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  • Photo du rédacteurJean Le Hussard

Les effractions antispécistes se multiplient contre les éleveurs


Naguère confiné aux animaux domestiques, le bien-être des animaux de la ferme concentre depuis quelques années les « attentes sociétales » d’une masse toujours plus nombreuse de citadins en contact distendu avec l’agriculture et ses réalités. Il est vrai que certains pays, dont la production animale n’est pas l’activité majeure, se sont engouffrés dans cette voie. En Suède, il est interdit par exemple de couper les queues et les incisives des porcs, de les castrer sans anesthésie, d’enfermer les laies dans des cages de maternité et les porcs doivent être étourdis avant leur euthanasie. Le Parlement suisse a voté la fin du broyage des poussins dès le 1er janvier 2020.


En France, le discours critique sur l’élevage intensif, qui se caractérise par de fortes densités d’animaux, une génétique tournée vers la productivité et le confinement des animaux, est développé depuis plusieurs décennies par les associations dites « welfaristes » à l’instar d’OABA, de Welfarm et de CIWF. A l’Assemblée Nationale, elles sont relayées par le groupe « Condition animale » composée de 42 députés menés par Loïc Dombreval, député LREM. En contact avec les organisations professionnelles d’éleveurs, assumant un calendrier progressif et acceptant un accompagnement des éleveurs en contrepartie des mesures préconisées, elles ont enregistré quelques succès, tels que la mention de l’étiquette « bien-être animal » dans la grande distribution aux produits qui s’y conforment et, surtout, ce que l’on peut saluer pour notre part, l’interdiction de l’abattage rituel (juif et musulman) sans étourdissement dans le bio. Elles ne sont pas parvenues en revanche à arracher cette prohibition dans l’alimentation « conventionnelle ». Elles n’ont pas obtenu non plus l’arrêt de la castration à vif des porcelets et des cages de poules pondeuses, ni l’installation de caméras dans les abattoirs qui leur avait été promis par le gouvernement lors des Etats Généraux de l’alimentation (EGalim).


N’en déduisons pas hâtivement que les agriculteurs s’opposent obstinément à leurs préoccupations. Des chartes de bonnes pratiques de l’élevage bovin ont été élaborées sur la place des vaches à l’auge et à l’abreuvoir, leur état corporel, la propreté du poil, la place de couchage, la prise en compte des boiteries, des blessures et mammites, l’aire d’exercice, etc. Les éleveurs ont débattu, encore récemment, de l’abreuvement et de l’écornage leurs bovins lors des rencontres à Strasbourg en juillet 2019. La profession plébiscite assurément les mesures que préconisent les associations welfaristes, comme le souligne un vétérinaire des Ardennes dans la revue L’éleveur laitier de décembre 2019. Les éleveurs interrogés demandent légitimement que ces mesures ne leur soient pas imposées sous la contrainte, qu’elles soient rémunérées et que s’y associe la reconnaissance positive des efforts fournis pour s’y adapter.


Il faut croire que ces progrès entrepris n’aient pas été perçus comme tels par certains, puisque éclosent depuis une dizaine d’années des associations dites « abolitionnistes », beaucoup plus radicales que les précédentes. Sous le prétexte de lutter pour le bien-être animal et contre l’élevage intensif (tribune dans Le Monde du 5 septembre 2019), la plus connue d’entre elles, l’association L214, du nom de l’article du Code rural qui traite de la condition animale, poursuit l’objectif de faire cesser la consommation de viande et donc l’élevage d’ici 2040. Il s’agirait officiellement, pour ses membres, de mettre fin à la souffrance animale et la mort à l’abattoir. Au vrai, il s’est révélé que cette association, qui embauche 70 salariés et gère 10 sites internet, est financée à raison d’1,14 M€ en 2018 et du même montant en 2019 par l’Open philantropy project de Dustin Moskovitz, le promoteur de la viande cellulaire… Elle s’est fait remarquer par des intrusions dans des abattoirs du Jura ou de Mauléon qu’elle a filmés et dont elle a diffusé sur les réseaux sociaux les vidéos, notamment en octobre et novembre 2018. Des membres dissidents, avides d’action plus extrême, ont fondé depuis des groupuscules désirant passer à l’acte : DxE, filiale française de la californienne Direct Action Everywhere, donataire de l’entreprise Lush, recrute des stagiaires pour s’infiltrer dans les élevages durant l’été. Deux autres groupuscules anarchisants, Boucherie abolition et L269 Libération animale, se réclament de la désobéissance civile et pratiquent l’effraction dans les bâtiments d’élevage, qu’ils justifient par une comparaison des conditions d’élevage à celles de détention des camps de concentration de la deuxième guerre mondiale… Qualifiés d’antispécistes, leurs adhérents récusent un principe élémentaire, qui puise à la Genèse, de la civilisation chrétienne : la spécificité du genre humain et la soumission des animaux à la satisfaction de ses besoins nécessaires.


Or, depuis le second semestre 2018, la situation se dégrade démesurément. Quarante intrusions dans des élevages ont été répertoriées en moins d’un an, dont trente attribuées à la seule DxE, huit à L214 et trois à Boucherie abolition. Trois bâtiments d’élevage récemment rénovés ont été intégralement détruits par le feu en septembre 2019 dans l’Orne. Quatorze membres de Boucherie abolition, qui s’étaient introduits en décembre 2018 et avril 2019 dans trois élevages pour en « libérer » les habitants, ont causé… la mort par étouffement de près de 1400 dindes paniquées par cette intrusion nocturne ! Le 3 octobre 2019, le député insoumis Bastien Lachaud a été filmé de nuit dans un élevage porcin des Côtes d’Armor, sans l’autorisation du propriétaire, par DxE. Celle-ci récidivait en toute impunité cinq jours plus tard dans le même département, en compagnie de BFMTV, complice.


Les éleveurs, qui ne se laissent pas faire, déposent plainte au commissariat ou devant le Procureur de la République, ou saisissent le Président du Tribunal de Grande Instance en référé. Notre inénarrable Ministre de l’intérieur Castaner s’est dit à l’écoute. Notre tout aussi brillante garde des Sceaux, Nicole Belloubet, s’est fendue d’une circulaire attirant l’attention des tribunaux sur l’accueil à réserver à ces démarches judiciaires. Une cellule spécifique intitulée Déméter a été créée à la mi-octobre 2019 au sein de la gendarmerie nationale. Une proposition de loi a même été adoptée le 1er octobre par le Sénat visant à réprimer plus sévèrement les actions menées lors d’intrusions dans des abattoirs ou exploitations agricoles. Un observatoire contre l’agribashing a même été intronisé dans la Drôme.


Derrière les discours du gouvernement et des parlementaires, destinés à rassurer une population électoralement docile, force est de constater que la réalité est bien différente de la protection annoncée. Les plaintes sont rarement suivies, telles celle du gérant de l’abattoir du Jura filmé par L214. Le propriétaire dont l’élevage a été visité de nuit par le député insoumis a été débouté et condamné à verser 3000 € de frais d’avocat à DxE… Quelques condamnations, modiques, sont tombées dans les tribunaux correctionnels (Pau, Evreux), mais les peines de prison, quand elles sont prononcées, sont dérisoires et sont constamment assorties d’un sursis. Au reste, qu’attendre d’un gouvernement qui diffuse une instruction conjointe des ministres de l’éducation et de l’agriculture pour préciser que les interventions en classe de L214 ou tout autre association végane ou antispéciste ne s’inscrivent pas dans le cadre du programme national de l’alimentation ni du plan national nutrition santé et qui impose quelques mois plus tard un repas végétarien par semaine aux collégiens, à titre d’expérimentation ?


La vérité est que la pédagogie ne sert de rien face à des personnes qui, tous âges confondus, évoluent dans la mouvance anarchiste et sont partisans, comme l’était Kropotkine et Boukarine, de l’usage de la violence pour imposer leur vision du monde rural. Nous ne disons pas pour autant qu’il est superflu, à l’endroit du public, de lui expliquer que l’élevage intensif sous abri permet la récupération totale des déjections et apporte de ce fait des engrais organiques (fumier, purin, lisier, digestat de méthanisation) aux grandes cultures céréalières, ce que l’élevage extensif du bio n’est pas capable de fournir. Mais tout ceci indiffère aux groupuscules antispécistes formatés dans une vision qu’avec sarcasme nous dirions héritée d’un visionnage immodéré des dessins animés animaliers durant l’enfance. Les agriculteurs se sont montrés jusqu’à présent patients et paisibles. Chasseurs pour la plupart, et détenteurs à ce titre d’armes de catégorie C et D, ils pourraient être conduits, si le harcèlement s’amplifiait, à en faire usage si l’occasion s’en présente.

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