L’antique instinct nomade surgit,
Se ruant contre la chaîne de l’habitude ;
Et de son brumeux sommeil séculaire
S’élève le cri de la race.
Jack London
En 1903, Jack London publiait L’appel de la forêt, son premier succès littéraire. L’histoire est celle d’un chien, Buck, un bâtard mi Terre-Neuve mi Colley appartenant à un juge fortuné et menant une existence paisible de chien domestique. Un soir pourtant, il est enlevé par le jardinier contre de l’agent pour devenir chien de traîneau dans le grand Nord canadien. Si la rudesse de cette nouvelle vie, où seul les plus forts survivent, est d’abord un choc pour cet animal de salon, bien vite les instincts naturels de son espèce, cette force sauvage qui sommeillait en lui depuis des générations se réveille, et Buck reprend finalement sa place dans un monde duquel la domestication l’avait arraché. Loin d’être une histoire pour les enfants, ce qu’il peut semblait être de prime abord, L’appel de la forêt est un roman philosophique sur le retour à la nature, à la dure réalité du monde dans lequel Dieu a voulu que l’homme vive (Gen. III, 17-19).
Le monde moderne nous a enfermé dans une cage physique et mentale dont le commun des mortels a peine à sortir : d’abord parce que le sur-confort est devenu un standard dont il est difficile de se séparer ; que la capacité de l’homme à faire face au danger et à la Nature est allé décroissant avec la domination du capitalisme libéral et l’économie de marché ; que l’homme moderne est un perpétuel assisté, faisant de lui un parasite nécessairement accroché de toute ses forces à cette économie des services qui a entraîné la perte des savoir-faire ancestraux et l’esclavage volontaire des individus. Les deux grandes forces de l’Homme que sont son intelligence et ses deux mains sont aujourd’hui comme deux excroissances inutiles pour la plupart d’entre nous.
Néanmoins, tout processus de ce genre rencontre mécaniquement des résistances salutaires. J’avais donc aujourd’hui envie de vous parler du bushcraft, discipline que je connais depuis peu et dont la pratique m’apportera, une fois le confinement terminé, beaucoup de joie physique et spirituelle, à n’en point douter.
I. Qu’est-ce que le bushcraft ?
Le bushcraft – pouvant être traduit par « art des bois » en français- est un mot valise anglo-saxon composé de bush (du néerlandais bosch, zone naturelle non cultivée) et craft, fabriquer. Il s’agit d’une activité se pratiquant en forêt, en montagne ou dans n’importe quel milieu naturel visant à reproduire des savoir-faire de base de « vie en campagne » : faire du feu, couper du bois, construire un abri, le triptyque chasse-pêche-cueillette, rendre de l’eau potable, manier couteau et autres objets tranchants, fabrication d’objets en bois, tannage de peaux de bête, école de nœuds, connaître la faune et la flore européenne. La pratique est née fin du XIXe siècle en Australie et Nouvelle-Zélande avant de rejoindre le continent européen. La mode a vraiment pris fin des années 1980 Il existe plusieurs « variantes » de bushcraft selon les pratiquants, chacun y allant de sa technique personnelle et emportant avec lui plus ou moins de matériel. Par exemple certains partiront en expédition avec un tarp (genre de bâche permettant de s’abriter) alors que d’autres préféreront se construire un abri avec les moyens disponibles sur place. Le bushcraft a deux objectifs essentiels : 1) réapprendre à se débrouiller en milieu naturel avec le minimum pour se constituer un capital de savoir-faire techniques et de connaissances ; 2) le faire en y prenant du plaisir, ce qui reste le plus important.
II. Bushcraft et randonnée
Le bushcraft n’est pas forcément synonyme de randonnée. Bien que le plus plaisant à mon sens soit d’effectuer une belle randonnée en milieu sauvage et de prendre plaisir à monter son bivouac là où le vent nous a mené (à condition bien sur de maîtriser les bases de la topographie pour éviter de se perdre), il est tout à fait possible de monter le campement à un endroit prédéfini pour simplement s’exercer aux différentes techniques. C’est d’ailleurs ce qui est recommandé pour les débutants.
III. Bushcraft et survie
Dire que le bushcraft n’a rien à voir avec la survie serait mentir, puisque tout ce que vous apprendrez vous sera toujours utile. Néanmoins, le bushcraft est une pratique de loisir, pas un entraînement visant à vous permettre, avec presque rien et perdu en pleine nature, de retrouver rapidement le chemin de la civilisation. Le bushcraft vous fera prendre conscience que même une petite randonnée en forêt peut mal tourner et qu’il est donc toujours prudent de prendre avec soi un petit fond de sac ce qui, dans une situation de survie, vous sera toujours utile. Certains youtubeurs notamment, reprochent à d’autres de ne pas être « dans l’esprit » du bushcraft parce que ceux-ci emportent avec eux de la nourriture, voire un petit poêle à bois pour leur abri. Encore une fois le bushcraft n’a pas de règle fixant ce qu’il est possible ou impossible de faire : l’imagination est la reine de la discipline. Quoi de mieux que de se retrouver entre amis, de marcher toute une journée en terre sauve et, le soir, de monter un bivouac confortable avec un grand feu, d’y faire griller de la viande achetée au marché local et de faire tourner une bouteille de Chartreuse ?
IV. Bushcraft et législation
En France, pratiquer le bushcraft est très compliqué. Le Droit français distingue le domaine public et le domaine privé. Légalement, sur un domaine privé et avec autorisation du propriétaire, il n’y a aucune restriction, à part respecter la Nature, ce qui tombe sous le sens. Dans le domaine public, portant bien mal son nom, il est interdit de bivouaquer, de faire du feu, de couper du bois ou d’en glaner, de faire de la cueillette. Dans la pratique, la chose est plus complexe, je vous revoie à cette vidéo très explicite.
Louis Campau
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