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  • Photo du rédacteurJean Le Hussard

Retour sur un fiasco législatif : la loi Schiappa sur le viol et la séduction de mineurs


On se souvient du désarroi et de l’incompréhension que déclencha, dans les médias et les réseaux sociaux, après plusieurs mois d’annonces gouvernementales contradictoires, la loi dite Schiappa sur la répression des atteintes sexuelles sur mineurs de moins de quinze ans, votée le 1er août 2018. A l’origine dudit texte, le scandale suscité par l’acquittement prononcé à la fin 2017 par la Cour d’assises de Meaux, d’un homme de 22 ans prévenu du chef de viol à l’encontre d’une fille de onze ans. Les médias échaudés avaient sciemment omis de préciser au public sidéré l’origine africaine de la victime, détail qui n’était pas sans effet sur l’appréciation de sa maturité sexuelle : la « fillette » était en effet déjà pubère, à telle enseigne qu’elle enfanta quelques mois plus tard. Le public fut d’autant plus désemparé qu’une autre affaire similaire donna lieu à la même époque à des poursuites du Parquet, non pas pour viol - agression sexuelle avec pénétration s’exerçant par violence, contrainte morale ou physique, menace ou surprise (art. 222-23 C. pén.), c’est-à-dire sans consentement de la victime - mais pour « atteinte sexuelle » (art. 227-25 C. pén.) : le Parquet admettait ainsi que la victime, âgée aussi de onze ans et vraisemblablement de même fond ethnique, avait consenti à un rapport sexuel néanmoins interdit par la loi aux hommes de 18 ans révolus. L’inénarrable Schiappa promit aux médias que la loi réprimerait à l’avenir, sous la qualification de viol, les relations sexuels entre un mineur de moins de 13 ans et un majeur. C’était impliquer qu’un tel mineur, même médicalement pubère - c’est-à-dire dont le corps, récemment transformé, était en état désormais d’enfanter - ne pouvait consentir à un rapport sexuel, qui ne pourrait donc se tenir que sous la contrainte morale. L’annonce échauffa aussi les milieux traditionnalistes en donnant à croire qu’un mineur de 13 à 18 ans pouvait accepter impunément un tel rapport – alors que la loi aurait réprimé une telle séduction pour « atteinte sexuelle », non plus à partir de 15 ans, mais de 13 ans (anc. art. 227-25 préc.).


Las ! Du projet de loi aux moutures adoptées par l’Assemblée Nationale puis le Sénat, le texte final adopté n’apporta guère de changements à la législation en cours. Les rapports sexuels imposés, avec pénétration, par la violence, la menace, la contrainte ou la surprise, demeurent, quel que soit l’âge de la victime, réprimés de quinze ans d’emprisonnement. La seule nouveauté tient à ce que la contrainte morale, qui se décèle à l’autorité de droit ou de fait qu’exerce le violeur, peut résulter de la différence significative de son âge avec celui de la victime. Si la différence significative d’âge fera désormais présumer la contrainte morale, et donc le viol, il ne s’agit que d’une simple présomption, réfragable. Il sera en conséquence toujours loisible, pour l’avocat du prévenu qui désire acquitter son client du chef de viol, de démontrer que la victime, même dans cette situation, a réellement consenti au rapport sans contrainte morale. Quant à l’atteinte sexuelle, qui postule un consentement en quelque sorte interdit de la part de la victime, sa répression demeure organisée contre les séducteurs de mineurs de moins de quinze ans ; la peine d’emprisonnement encourue a été seulement augmentée de 5 à 7 ans, ce qui n’était pas en cause dans les affaires judiciaires à l’origine du vote de cette loi.


Un tel raté législatif, qui serait risible si des familles n’avaient pas été brisées par les promesses gouvernementales, a conduit Me Damien Viguier, dont nous nous plaisons à commenter les courts ouvrages aux éditions KK, à publier en 2019 un livre intitulé Pédophilie, viol et séduction. Comme à l’accoutumé, cet opus brille par son obsession à asseoir - ou contester le cas échéant - la légitimité de toute règle de droit contemporaine sur la tradition juridique du droit romain. Me Viguier nous explique que le droit pénal actuel, dont la philosophie emprunte à la doctrine de Beccaria consacrée sous la Révolution française, a adhéré en cette matière des infractions sexuelles à la théorie dite « analogiste » de l’âge légal. Défendue sous l’empire romain par une école de jurisconsultes, celle des Proculiens, cette doctrine d'inspiration aristotélicienne considérait qu’un orphelin romain ne se libérait de sa tutelle qu’à l’âge de 14 ans pour les garçons et 12 ans pour les filles. Cet âge, dans l’esprit de ses promoteurs, présumait irréfragablement – sans possibilité de preuve contraire – la puberté dudit mineur, sa capacité à générer. Un tel critère, qui fut retenu par l’empereur Justinien dans ses Institutes au VIe siècle ap. NSJC, n’était posé que pour la question de la libération de la tutelle. Il ne servait nullement à l’époque pour déterminer l’existence d’un viol ou d’une séduction interdite. Ce n’est qu’avec la loi de 28 avril 1832 qu’un seuil d’âge légal fut retenu pour la répression des « attentats à la pudeur sans violence », les actuelles atteintes sexuelles, pour les mineurs de moins de onze ans. Ce plafond fut rehaussé à treize ans avec la loi du 13 mai 1863, puis à quinze ans avec l’ordonnance du 2 juillet 1945.


Or Me Viguier nous démontre que ce système « analogiste » est totalement absurde. Les psychiatres soulignent que la puberté est un phénomène corporel progressif, qui leur impose le départ, dont rend compte le DSM-V, entre les pédophiles, qui entretiennent des rapports sexuels avec des prépubères (jusqu’à 9-11 ans), les ébéphiles, qui en ont avec des prépubères en phase pubertaire (entre 12 et 14 ans), et les éphébophiles qui en ont avec des mineurs pubères (à partir de 14 ans). Ils soulignent que la puberté advient plus ou moins prématurément d’une ethnie à une autre et, en son sein, d’un individu à un autre. Aussi, une telle législation protège en définitive, pour parler crûment, les filles d’origine africaine dont la puberté, précoce, survient avant l’âge légal de quinze ans. Leur partenaire majeur, qui peut être trompé sur leur âge, prend le risque, non seulement d’être incarcéré pour atteinte sexuelle (7 ans), mais aussi pour viol (15 ans), la différence significative d’âge faisant présumer la contrainte morale. En revanche, les filles d’origine européenne qui, à quinze ans, ne seraient pas médicalement pubères, sont fictivement réputées pubères par la loi et sont exposées à la prédation d’hommes qui n’encourent plus avec elles les peines de l’atteinte sexuelle sur mineur de moins de quinze ans et peuvent même démontrer, pour échapper à la qualification de viol, que compte tenu de leur âge, leur victime n’a subi aucune contrainte morale.


Le mérite de l’ouvrage commenté est, par-delà la critique justifiée qu’il porte à ce système inique, de rappeler qu’un autre système doctrinal, dit « anomaliste », existait sous l’empire romain, défendu tant par une autre école de jurisconsultes, les Sabiniens, d'obédience stoïcienne, que par des jurisconsultes plus tardifs mais éminents, Gaïus et Ulpien. Ces grands penseurs considéraient que la puberté, critère de la libération de la tutelle, devait s’apprécier, non par un âge abstrait, par hypothèse arbitraire, mais par la capacité concrète de féconder du mineur (qui generare potest). Cette aptitude n’était pas jugée seulement sur son apparence corporelle, mais sur sa réalité, laquelle était vérifiée à l’issue d’un examen médical, caractéristique des sociétés traditionnelles, que l’empereur Justinien, peut-être mû par une pudeur toute chrétienne, a finalement réprouvé comme indécent. Pour Me Viguier, ce système « anomaliste » abandonné par Justinien aurait été défendu implicitement par le dernier grand pénaliste français de l’Ancien Régime, Muyart de Vouglans dans son traité sur les Loix criminelles de France(1770). Fidèle à la tradition canoniste - que renièrent les lois pénales depuis la Révolution Française - cet auteur distinguait en effet les viols, jugés atroces, commis sur des filles non nubiles ou impubères, et ceux commis sur des filles qui approchaient de la puberté, dont les peines étaient atténuées. La puberté ou sa proximité constituait de la sorte l’indice sérieux du consentement de la victime.


Me Viguier regrette manifestement l’abandon de ce système dont les fondements médicaux sont solides et certains, et ce d’autant plus que la médecine moderne a fait d’immenses progrès dans la détection – dans des conditions décentes pourrait-on ajouter – de l’état pubère. Il éviterait en effet, d’un côté, de réprimer les rapports sexuels d’hommes majeurs avec des filles de moins de quinze ans néanmoins déjà pubères ; il défendrait, de l’autre, les filles de quinze ans ou plus pourtant impubères. On nous permettra de remarquer, en songeant aux disparités ethniques en matière de puberté, qu’un tel système « anomaliste », s’il était adopté, conduirait implicitement, dans une France où la présence d’immigrés d’origine africaine est significative, sinon massive, au système dit de « personnalité des lois » qui fut de vigueur au temps des invasions des barbares vandales, francs, goths, wisigoths, ostrogoths, burgondes, lombards, etc. (Ve – Xe siècles). Peut-être un tel régime juridique, propre aux Etats dont le pouvoir central se délite sous la pression migratoire de peuples venus de lointaines contrées, sera-t-il notre futur ?

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